Un parfum d'incertitude plane sur la présidentielle ivoirienne d'octobre 2025. La candidature de Tidjane Thiam, ancien patron du Crédit Suisse et espoir du PDCI, est aujourd'hui menacée. En cause ? Sa nationalité française qu'il vient d'abandonner, mais peut-être trop tard. Un scénario qui rappelle étrangement le cas du Sénégalais Karim Wade en 2024. L'affaire suscite agitation et inquiétude au sein du principal parti d'opposition ivoirien. Le PDCI se retrouve face à un dilemme existentiel : réussira-t-il à préserver sa place dans la course au pouvoir ou sombrera-t-il dans l'impréparation ?
Un air de déjà-vu
Le 7 février 2025, Tidjane Thiam officialise la renonciation à sa nationalité française, déclarant qu'aucune pression ne l'a poussé à cette décision. Pourtant, une semaine auparavant, un chroniqueur proche du pouvoir, Arthur Banga, avait déjà lancé l'offensive : Thiam, selon lui, serait inéligible. L'histoire a la mémoire tenace. Un an plus tôt, au Sénégal, Karim Wade subissait un coup similaire. Porté par le PDS, il espérait concourir à la présidentielle, mais son renoncement tardif à la nationalité française lui avait coûté sa candidature. Faute d'un plan B, son parti s'était retrouvé hors-jeu. A contrario, le PASTEF avait anticipé la probable disqualification d'Ousmane Sonko et misé sur Bassirou Diomaye Faye, qui remporta la présidentielle.Aujourd'hui, certains poids lourds du PDCI redoutent un dénouement identique. "Le parti doit être attentif à tous les signaux, faibles ou non", prévient Gnamien Yao, vice-président du PDCI. Mais au sein de la direction, on persiste à minimiser la menace.
Le compte à rebours a commencé
Avant juillet, le PDCI devra désigner officiellement son candidat. La renonciation de Thiam à sa nationalité française ne suffit pas : il doit obtenir sa réintégration formelle en tant que citoyen ivoirien. Un processus complexe, soumis au bon vouloir des autorités françaises. Son avenir politique se joue donc en partie à Paris.Mais Thiam n'est pas le seul à voir son destin suspendu. L'ancien président Laurent Gbagbo reste écarté des listes électorales, une exclusion qui fait monter la tension. Ses partisans menacent d'un boycott musclé. "Sans Gbagbo, pas d'élection", répètent-ils. Un scénario qui rappelle les heures sombres de la crise post-électorale de 2010. D'autres figures de l'opposition sont également dans l'impasse : Charles Blé Goudé, toujours sous le coup d'une condamnation à 20 ans de prison, et Guillaume Soro, ex-Premier ministre, visé par un mandat d'arrêt international. Le paysage politique ivoirien se complexifie et devient de plus en plus imprévisible.
Une élection sous haute tension
Le mois de mars marquera une étape cruciale : la Commission électorale indépendante publiera les nouvelles listes électorales. C'est à ce moment que le sort de Gbagbo, Thiam et consorts sera scellé. Si Thiam ne peut pas figurer sur les listes – faute d'avoir complètement réglé sa situation administrative – alors son ambition présidentielle prendra fin avant même d'avoir commencé. Pour l'instant, le pouvoir observe et laisse le doute planer. Alassane Ouattara, qui a entretenu l'ambiguïté sur une éventuelle candidature, n'a pas encore levé le voile sur ses intentions. Un silence calculé, qui maintient la pression sur ses adversaires.
Dans ce climat d'incertitude, une question demeure : la Côte d'Ivoire est-elle prête pour une élection apaisée ? Rien n'est moins sûr. Le compte à rebours est lancé, et les premières secousses d'une crise annoncée se font déjà sentir. L'histoire, souvent, se répète. Reste à savoir si elle le fera dans le fracas ou dans la sagesse.