Le 38ᵉ sommet de l'Union africaine, tenu à Addis-Abeba les 15 et 16 février 2025, marquera une date historique dans l'histoire du continent africain. Lors de ce sommet, l'UA a pris une décision audacieuse et sans précédent en inscrivant la question des réparations liées à l'esclavage et à la colonisation au cœur de ses priorités. Cette revendication panafricaine fait écho à des décennies, voire des siècles, d'injustices, de violences, et de pillages systématiques auxquels l'Afrique a été soumise. L'importance de cette initiative dépasse la simple reconnaissance des torts passés : elle incarne un tournant significatif dans le combat pour la dignité, la justice et la réparation des peuples africains.
Le Ghana, soutenu par l'Algérie, a présenté une résolution intitulée "Justice pour les Africains et les personnes d’origine africaine à travers les réparations", un document qui établit un principe fondamental : rendre à l’Afrique ce qui lui a été injustement pris, et ce, à travers des réparations substantielles pour les souffrances infligées par la traite transatlantique des esclaves et la colonisation. Cette demande n’est pas seulement un appel à la justice, mais également un moyen de remettre en question les structures internationales qui ont longtemps permis l'exploitation et l'oppression du continent. L’adoption de cette résolution symbolise l’unité et la détermination de l’Afrique à revendiquer la reconnaissance de son passé et à obtenir des réparations.
L’UA, en faisant de ce dossier une priorité stratégique, témoigne de sa volonté de ne plus rester passive face à un héritage colonial qui continue d'affecter la situation socio-économique de nombreux pays africains. Ce processus de réparation va bien au-delà de la simple restitution matérielle : il s'agit d'une démarche globale pour réparer les fractures historiques, économiques et sociales laissées par les siècles de colonisation et de déshumanisation. Le principe est clair : pour tourner la page et construire un avenir plus juste, il est essentiel que les anciennes puissances coloniales assument leur responsabilité et se soumettent à une véritable réparation des torts commis.
La résolution de l'UA, qui a été adoptée avec force et unanimité, pourrait bien être l’amorce d’un changement radical dans les rapports entre l’Afrique et les anciennes puissances coloniales. En réclamant des réparations, l’Afrique s'affirme en tant qu'acteur majeur sur la scène internationale. L’idée est de créer un rapport de force où, cette fois-ci, ce sont les pays colonisateurs qui sont appelés à rendre compte de leur passé. Pour les peuples africains, il ne s’agit pas seulement de demander de l'argent, mais de restaurer une dignité bafouée pendant des siècles. Cette résolution ouvre ainsi une nouvelle ère, où l’Afrique s’affirme non seulement comme une victime, mais aussi comme une force de proposition et de changement.
Les enjeux sont immenses et les défis multiples, notamment en raison des résistances qu’une telle initiative risque de rencontrer. Des puissances telles que la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et le Portugal, qui ont largement profité du pillage des ressources africaines et de l'exploitation de ses peuples, devront faire face à des pressions internationales pour répondre à cette demande de réparations. Le monde entier attend de voir si ces nations accepteront de reconnaître la responsabilité de leurs actions coloniales et de se soumettre à des compensations concrètes.
L'importance de cette résolution ne réside pas seulement dans la reconnaissance des injustices passées, mais aussi dans le message qu'elle envoie à l'ensemble de la communauté internationale. Il ne s'agit pas d'une simple réclamation de réparation, mais d'un appel à rétablir un équilibre dans les relations internationales. Comme l'a souligné Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente sortante de la Commission de l’Union africaine, cette avancée marque un "moment historique" dans la lutte pour les droits légitimes des peuples africains, mais aussi pour la reconstruction des relations internationales sur des bases de justice, d'égalité et de réciprocité.
Les médias internationaux ont rapidement relayé cette démarche historique. Le journal ivoirien L’Infodrome a lancé un titre percutant : "Esclavage, pillage : combien doivent Londres, Rome, Bruxelles, Paris… à l’Afrique ?", une question qui résonne comme un défi lancé aux anciennes puissances coloniales et un appel direct à la responsabilité historique. De plus, ce débat fait écho à une prise de conscience mondiale croissante concernant les effets durables de la colonisation sur le développement de l’Afrique.
Cette résolution pourrait ouvrir la voie à une Afrique plus solidaire, plus unie dans ses combats, capable de revendiquer des droits et de redéfinir ses relations avec le reste du monde. La demande
de réparations va au-delà de la simple réparation économique : elle est un pilier fondamental dans la quête d'un avenir plus équitable pour les générations futures. Une Afrique forte, capable de faire
entendre sa voix sur la scène internationale, pourrait ainsi construire une relation renouvelée avec le reste du monde, fondée sur le respect et l’équité.
En somme, l’Union africaine, par cette résolution
ambitieuse, pose un acte symbolique et politique d'une portée inédite. Elle marque un tournant majeur dans la reconquête de l’Afrique de son propre destin, un destin qui ne se résume plus à être un simple
témoin du passé, mais à devenir l’acteur actif de la réécriture de son histoire. Le monde entier attend maintenant la réponse des puissances concernées. Le message de l’UA est clair : l’Afrique n'acceptera
plus d'être une victime du passé, mais elle entend bien jouer un rôle central et respecté dans l'avenir