Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche n’est pas sans conséquences pour l’Afrique. Et cette fois, le coup vient de la voie commerciale. Le 47e président des États-Unis a décidé de revisiter en profondeur la politique douanière de son pays, au nom d’une « réciprocité » assumée. Mais derrière ce mot, c’est un protectionnisme assumé qui frappe désormais la quasi-totalité des pays du continent africain.
Une doctrine simplifiée à l’extrême : Le 3 avril 2025, depuis les salons de la Maison-Blanche, Donald Trump a présenté un tableau sans équivoque : les produits provenant de pays avec lesquels les États-Unis affichent un déficit commercial seront désormais taxés entre 10 % et 50 %. Ce barème, appliqué sans nuance, touche jusqu’aux plus petits États du globe. Le Lesotho, modeste royaume enclavé dans l’Afrique du Sud, se retrouve ainsi taxé à 50 %, sans qu’aucun diplomate ne parvienne à expliquer la rationalité de ce chiffre. La justification officielle évoque des droits de douane appliqués par le Lesotho aux produits américains, censément élevés à 99 %. Une donnée qui fait sourire les spécialistes du commerce international… mais pas les Lesothans eux-mêmes, qui voient s’effondrer l’un des rares avantages compétitifs de leur économie fragile.
Un virage brutal, loin de l’esprit de l’Agoa : Depuis plus de deux décennies, l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) symbolisait une volonté d’ouverture des marchés américains à l’Afrique, en contrepartie de principes démocratiques et de réformes économiques. Ce que l’administration Biden avait tenté de réformer, l’administration Trump semble résolue à le démanteler.En Afrique du Sud, les conséquences se font déjà sentir. L’industrie automobile, pilier de l’économie sud-africaine, se retrouve sous la menace d’une taxe de 25 % sur les véhicules et pièces détachées exportés vers les États-Unis. Le secteur emploie directement 110 000 personnes, et fait vivre près d’un demi-million de familles. À Pretoria, l’inquiétude n’est plus feinte : c’est tout un pan de l’industrie exportatrice qui vacille.
Mais au-delà des grandes puissances économiques du continent, ce sont surtout les pays à l’économie fragile et peu diversifiée qui risquent de payer le plus lourd tribut. Ne disposant ni de marge fiscale ni d’alternatives commerciales à court terme, plusieurs États devront composer avec une poussée probable de l’inflation et une déstabilisation de leurs balances commerciales.
Un réalignement stratégique en perspective : À défaut de pouvoir « répondre du berger à la bergère », certains États africains
pourraient être contraints de réorienter leurs exportations vers d’autres marchés à commencer par la Chine, moins regardante sur les normes
sanitaires ou environnementales, mais plus exigeante en matière de volumes et de contrôle des chaînes de valeur.
Cette nouvelle donne pourrait également renforcer, à terme, le projet d’un marché continental intégré africain, à condition que les volontés
politiques suivent, et que les infrastructures de transport et de logistique soient enfin modernisées.
Trois exceptions… et un symbole :
les 54 pays africains, seuls trois échappent – pour l’instant – à cette nouvelle doctrine douanière américaine : la Somalie, les Seychelles… et le Burkina Faso.Le cas burkinabè mérite attention. Membre de l’Alliance des États du Sahel (AES) aux côtés du Mali et du Niger, le Burkina Faso a récemment mis en place, avec ses deux partenaires, une taxe commune de 0,5 % sur les importations provenant de pays non-membres. Cette initiative, modeste mais symbolique, semble avoir trouvé un écho positif à Washington, où certains cercles voient dans la Confédération du Sahel un embryon de souveraineté économique régionale. Une conséquence inattendue : à l’heure où leurs produits se heurtent à des barrières tarifaires plus hautes, les Maliens et les Nigériens pourraient désormais choisir Ouagadougou comme hub d’exportation vers les États-Unis, bénéficiant de la franchise douanière dont jouit – temporairement – le Burkina Faso.
Le moment des choix :
Dans ce nouvel ordre économique incertain, l’Afrique devra faire preuve de lucidité. Le temps des naïvetés diplomatiques est révolu. La guerre commerciale américaine pourrait bien accélérer un réveil stratégique du continent. Si elle sait s’unir, s’adapter, négocier, l’Afrique peut transformer cette contrainte en levier. Encore faut-il qu’elle le veuille.